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Kim Eui-Sung, libre de droits, An Company
« Tous ces rôles, ces personnages que j’ai pu interpréter, restent en moi. Je les garde, ils me nourrissent tous d’une façon ou d’une autre, et m’aident à mieux me comprendre en tant que personne. Ils font maintenant partie de moi. » Kim Eui-Sung
Première rencontre avec l’incontournable Kim Eui-Sung

Kim Eui-Sung sur le tapis rouge lors de la cérémonie d’ouverture du Festival International du Film de Jeonju en 2025, avec les autres membres du jury pour la compétition internationale. Photo par Bokjoo Nabi
C’est lors de la cérémonie d’ouverture du Festival International du film de Jeonju que j’ai la chance de saluer pour la première fois l’acteur Kim Eui-Sung en personne.
(Ici, notre interview exclusive avec la légendaire Lee Jung-Hyun, que nous avons aussi rencontrée lors du festival – Découvrez aussi les instants tapis rouge sur notre compte instagram )
Figure emblématique du cinéma coréen, il est surtout connu pour ses rôles de méchants, qu’il interprète avec brio, et qui laissent toujours une grande marque derrière lui.

Le drama Low Life, en ce moment en diffusion sur Disney +, avec Kim Eui-Sung, Ryu Seung-Ryong et Yang Se-Jong. Disney +
Dernier Train pour Busan, Mr Sunshine, Under The Queen’s Umbrella, Lobby (réalisé par le célèbre acteur et réalisateur Ha Jeong-Woo, sublime dans Road To Boston) et en ce moment à l’affiche de Low Life sur Disney + , Kim Eui-Sung est un incontournable, avec une filmographie aussi longue qu’impressionnante.
Egalement fondateur et président de sa propre agence de talents An Agency, l’acteur n’a pas encore fini de surprendre son public.
Kim Eui-Sung en quête de soi, entre rôles et leçons de vie

Kim Eui-Sung dans le drama Taxi Driver. SBS.
Son parcours, avec ses hauts et ses bas, et tous les rôles qu’il interprète, semblent également être un moyen fort pour lui de perpétuer cette quête de développement de soi, de mieux se comprendre en tant qu’individu et donc de toujours évoluer, à travers les bons et les mauvais moments.
Kim Eui-Sung regorge donc d’anecdotes, qu’il partage avec moi ce jour-là, et que je retranscris ici en souvenir précieux.

L’un des plus récents films à l’affiche de Kim Eui-Sung: Lobby, réalisé par le célèbre acteur et réalisateur Ha Jeong-Woo. Walk House Company, Film Momentum
Une rencontre au cœur des traditions coréennes
Cette rencontre fut aussi la première interview officielle pour moi réalisée sans traducteur et directement en coréen. Plus qu’une simple interview, ce fut un moment d’échanges fascinant.
A Jeonju en tant que jury pour la compétition internationale du festival, Kim Eui-Sung m’a suggéré de se retrouver dans un café hanok pour cette interview, au cœur de la ville historique de Jeonju.
Un endroit parfait qui mêle, comme son festival, traditions coréennes et cinéma. C’est parti !

Dans le café Hanok de Jeonju, nos boissons sur la table, prêts à commencer l’interview. Photo par Bokjoo Nabi.
Kim Eui-Sung entre théâtre, cinéma et télévision

L’affiche du célèbre drama Mr Sunshine, dans lequel Kim Eui-Sung interprete l’un de ses rôles de méchants les plus marquants pour le public. tvN
Marion Pichardie : Vous avez commencé votre carrière en tant qu’acteur de théâtre, avant de vous illustrer également au cinéma et à la télévision.
J’ai été très marquée par l’histoire que vous avez racontée à propos de l’acteur Kim Hyun-Jin, que vous avez repérée sur scène alors que vous étiez vous-même à la tête de votre agence. Cela montre à quel point vous avez un attachement particulier pour le théâtre. Est-ce toujours une forme d’art à laquelle vous tenez particulièrement aujourd’hui ?
Kim Eui-Sung : Oui, je pense en effet. Pour un acteur, le jeu au théâtre ou au cinéma reste en soi du jeu. Mais dans un drama ou un film, il y a beaucoup d’étapes : le tournage, le montage, la musique etc. Et quand le film sort, là aussi il y a une autre barrière entre nous et les spectateurs : l’écran.
Mais au théâtre, on est en contact direct avec notre audience. On les entend rire, applaudir. C’est ça qui fait sa différence et sa beauté.

Kim Eui-Sung sur scène, non pour une pièce de théâtre, mais pour se présenter au public de Jeonju à la cérémonie d’ouverture du Festival, où il intervenait en tant que membre du jury dans la compétition internationale. Photo par Bokjoo Nabi.
Dix ans au Vietnam : une période difficile mais fondatrice pour l’acteur
Marion Pichardie : Au début des années 2000, vous avez travaillé au Vietnam en tant que producteur et dirigeant, et vous avez même réalisé des dramas sur place.
En quoi cette expérience a-t-elle influencée votre parcours d’acteur par la suite, une fois de retour en Corée ?
Kim Eui-Sung : J’ai joué la comédie de 20 à 30 ans, puis ensuite, je suis effectivement parti au Vietnam pendant 10 ans. A l’âge de 40 ans, j’ai repris ma carrière d’acteur en Corée.
C’est ironique mais au Vietnam, je n’ai rien fait en rapport avec le jeu, et je n’ai pas non plus « appris » sur ce métier. En revanche, c’a été le moment le plus difficile de ma vie. Mais grâce à lui, je suis devenu qui je suis maintenant. Je suis aussi devenu plus heureux. Aujourd’hui, j’en suis reconnaissant. Je pense que je n’aurais pas pu faire cela si j’avais continué le jeu sans pause, sans cette interruption « douloureuse » au Vietnam.
J’avais beaucoup appris, et en rentrant en Corée, je me suis posé la question fondamentale de « quel genre d’acteur suis-je ? » et j’en ai trouvé les pistes avec les nouveaux projets que je tournais.

Kim Eui-Sung dans le drama Arthdale Chronicles. tvN.
« Quand on interprète un méchant, on doit savoir pourquoi il se comporte comme ça, car il y a toujours une raison […] Des désirs et des blessures, tout le monde dans ce monde en a. Et moi, je dois trouver les siens à travers sa vision. » Kim Eui-Sung
Kim Eui-Sung et le réalisateur Hong Sang-Soo : une méthode unique
Marion Pichardie : Vous semblez entretenir un lien particulier avec le réalisateur Hong Sang-Soo, et vous avez collaboré de nombreuses fois. Qu’est-ce qui vous a marqué dans sa manière de travailler ou dans l’homme qu’il est ?
Kim Eui-Sung : Le réalisateur Hong Sang-Soo est impressionnant. Sa méthode n’est pas pour tout le monde c’est sûr, mais c’est fort. Il ne donne pas le scénario à l’avance, il le donne le matin même, et on a seulement quelques heures pour le mémoriser. C’est un vrai défi.
Mais de part cette méthode, Hong Sang-Soo est unique. Il ne fait pas de plan, et il y a donc de mon point de vu plus de concentration de la part de tout le monde.

Hill of Freedom de Hong Sang-Soo, avec Kim Eui-Sung. Bitters End, Inc.
Le défi du jeu en japonais dans Mr. Sunshine
Marion Pichardie : Votre prestation en japonais dans Mr. Sunshine m’a profondément marquée.
À ce propos, l’acteur Byun Yo-Han, avec qui vous avez tourné dans cette même série, m’avait également impressionnée dans Hansan : Rising Dragon, où il incarnait un général japonais aussi, sans aucune réplique dans sa langue natale. J’en ai d’ailleurs parlé plusieurs fois avec le réalisateur Kim Han-Min! Il m’expliquait que, selon lui, le public coréen est souvent plus immergé dans l’histoire lorsque les personnages japonais sont interprétés par des acteurs coréens, plutôt que par de véritables japonais.
Qu’avez-vous ressenti, de votre côté, en interprétant un personnage étranger, en langue étrangère ? Y a-t-il eu une préparation particulière ou un travail émotionnel différent ?

Kin Eui-Sung dans Mr Sunshine. tvN. Netflix.
Kim Eui-Sung : Je ne parle pas du tout le japonais… [rires] Pendant la préparation pour ce rôle, je m’enregistrais et je l’envoyais à des amis japonais pour qu’ils me corrigent la prononciation. Mais c’est bien sûr un challenge car déjà, je ne peux pas penser en langue étrangère, et parfois je devais dire des phrases que je ne comprenais pas.
Mais d’une certaine manière, c’est la même chose qu’un autre rôle. Le jeu d’acteur est le même en soi, il y a la recherche du personnage et de ses émotions. Il y a aussi sa gestuelle, et ce personnage-là boitait.
Il était très attrayant.
Incarner un méchant selon Kim Eui-Sung : quête des blessures intérieures

Kim Eui-Sung dans le drama Under The Queen’s Umbrella. tvN. Netflix
Marion Pichardie : Vous êtes très connu aussi pour vos interprétations de méchant. Abordez-vous ces rôles différemment que ceux de personnages plus « bons » ?
Personnellement, je pense que les antagonistes aussi sont des personnes blessées intérieurement. En comprenant cela, on peut sans doute mieux les interpréter. Qu’est-ce qui vous permet, vous, de vous connecter à ce type de personnage ?
Kim Eui-Sung : Ce que vous décrivez, c’est exactement ça. Quand on interprète un méchant, on doit savoir pourquoi il se comporte comme ça, car il y a toujours une raison. Je me demande à chaque fois : « pourquoi choisirait-on de vivre comme ça ? »
Des désirs et des blessures, tout le monde dans ce monde en a. Et moi, je dois trouver les siennes à travers sa vision.
Marion Pichardie : Tous les acteurs que je rencontre me font part de leur envie de jouer au moins une fois un méchant dans leurs carrières, c’est fascinant.
Kim Eui-Sung : Effectivement. Il y a quelque chose d’amusant, diffèrent de quand on joue des gentils. Avec les méchants, on peut « faire » des choses insensées, qu’on ne pourrait absolument pas faire en vrai.
Dernier train pour Busan : souvenirs d’un tournage culte

Kim Eui-Sung dans son rôle de méchant le plus célèbre avec Dernier Train pour Busan. RedPeter Film
Marion Pichardie : « Dernier train pour Busan » est l’un des titres phares de votre carrière, et a laissé une forte impression à de nombreux spectateurs. Quels souvenirs gardez-vous de ce film et du tournage ?
Kim Eui-Sung : Le souvenir qui me revient tout de suite, c’est qu’il faisait extrêmement chaud dans le studio ! La rame du train était construite à l’intérieur, et on a tourné dedans, en étouffant. C’était dur, c’est vrai. Mais aussi très intéressant.
Je me souviens avec beaucoup d’amusement des « zombies. » Les acteurs, avec leur maquillage impressionnant, s’amusaient à faire peur intentionnellement lors des pauses repas par exemple [rires], c’était vraiment drôle.

Gong Yoo face aux zombies dans Dernier Train pour Busan. RedPeter Film
Le métier d’acteur comme voie d’introspection
Marion Pichardie : Qu’est-ce que ce métier d’acteur vous apporte de plus significatif dans votre vie ?
Kim Eui-Sung : Grâce au jeu d’acteur, à ce métier, j’en ai beaucoup appris sur moi-même. Car à chacun de mes rôles, je dois trouver de nouvelles choses en moi pour les interpréter. Refléter sur beaucoup d’aspects de ma vie et de mon être.
Tous ces rôles, ces personnages que j’ai pu interpréter, restent en moi ensuite. Je les garde, ils me nourrissent tous d’une façon ou d’une autre, et m’aident à mieux me comprendre en tant que personne. Ils font maintenant partie de qui je suis.
Marion Pichardie : Y-a-t-il, pour finir, des projets futurs qui vous tiennent particulièrement à cœur ?
Kim Eui-Sung : Quand je réfléchis à ce que j’aimerais faire, je m’imagine jouer dans un projet indépendant, ou encore faire partie d’un projet international, comme collaborer avec la nouvelle génération de réalisateurs japonais.