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Marion Pichardie entreprend un voyage spirituel
Je me souviens que Yi, mon guide touristique en Chine, m’avait expliqué ceci : « C’est incroyable de voir quelqu’un comme toi ici. Tu es grande, blonde, avec les cheveux bouclés, et tu as la peau très blanche. C’est exactement le contraire de nous : nous sommes, pour la plupart, petits, aux yeux sombres et aux cheveux lisses et noirs. Les femmes rêvent toutes d’une peau aussi blanche que la tienne. » Ce jour-là, alors que nous escaladions la Grande Muraille de Chine, je me suis fait interpeller de nombreuses fois pour avoir une conversation amicale ou prendre une photo. Je m’étais toujours demandée ce que cela faisait d’être une célébrité, et pour la première fois, j’avais l’impression d’en être une. Je me suis sentie spéciale sur cette Muraille, c’était magique. Beaucoup venaient de pays voisins de la Chine, et ils réagissaient de la même façon que les locaux à mon égard. Ce n’était que le début des émotions que nous allions ressentir, ma famille et moi, cet après-midi-là.
Plus tôt dans la journée, lorsque j’étais descendue du bus, je ne voyais que ce grand parking, plein de véhicules et de touristes au pied de cette immense Muraille. Au début, je n’ai pas pu m’empêcher d’être quelque peu déçue. Je m’attendais à ce qu’elle soit en pleine nature, calme, presque désertique.
Néanmoins, nous avons commencé à grimper. (Oui, je dis bien « grimper »). En effet, par endroits, la Muraille était si raide qu’elle nous semblait presque verticale. Nous devions nous aider de nos mains pour monter les escaliers ; c’était épuisant. Nous ne nous attendions pas à ce que ce soit si sportif.

Les parties les plus raides de la Muraille. Photo de Katarzyna Druzbiak sur Dreamstime, Libre de droits.
Étrangement, la mauvaise impression que j’avais eu en bas a commencé à se transformer en un sentiment agréable : je tournais à présent le dos au parking et faisait face aux collines vertes et à l’interminable Muraille construite sur leurs flancs : une incroyable création humaine. J’ai commencé à vraiment sentir le vent chaud sur mon visage et j’ai remarqué le ciel bleu et le soleil resplendissant. Ça y est, j’étais au sommet du monde. Je ne pouvais pas m’empêcher d’être reconnaissante. J’étais heureuse, et le reste de ma famille aussi. « Tu réalises où on est ? En Chine, sur ce monument construit il y a des milliers d’années, qui s’étend sur des milliers de kilomètres », ne cessait de répéter ma mère. Tout le monde autour de nous avait l’air d’être dans le même état d’esprit. Nous étions connectés. Alors qu’il devenait difficile de maintenir une respiration normale en montant, et que l’excitation d’être là grandissait, tout le monde a commencé à se soutenir, à faire des plaisanteries et à rire comme le feraient des amis de longue date. Nous ne parlions pas forcément la même langue, mais parvenions tout de même à communiquer. Il y avait un certain « J’aime être en vie et je suis vraiment heureux de vous rencontrer » dans l’air, tout autour de nous.
Un Kenyan, Adamu, qui avait 24 ans, allait dans le sens inverse. Il m’a arrêtée et nous avons parlé un brièvement. Ensuite, il m’a gentiment demandé une photo. Mon moment de gloire se poursuivait. Il m’a simplement dit : « Je dois prendre une photo de nous deux pour que mes amis soient jaloux que j’ai passé un moment avec une telle beauté. » Nous avons pris la photo, il m’a serré la main en me faisant un grand sourire, et m’a souhaité une bonne journée avant de continuer son chemin. Tout ce qu’il voulait, c’était de passer un moment agréable avec un autre être humain. « Pourquoi tout le monde est-il si poli, gentil et heureux aujourd’hui ? », me suis-je demandé. « Est-ce dû à la magie de ce lieu historique, de ce pays ? »

Locaux et touristes profitant pleinement de la Muraille. Photo de Leo Daphne sur Dreamstime, Libre de droits.
Je n’étais pas la seule personne « inhabituelle », et les « paparazzi » n’avaient pas d’yeux que pour moi. En effet, ma grand-mère, qui nous accompagnait, a été surnommée « Super-grand’ma ». Elle avait 84 ans lors de ce voyage et a grimpé avec nous jusqu’à la plus haute tour. C’est elle qui a causé toute l’excitation qui a éclaté lorsque nous avons atteint le « sommet ». Des gens, dont la plupart était Africains, se sont mis à chanter et à taper sur tout ce qu’ils trouvaient pour faire de la musique. Tout le monde a commencé (ou plutôt continué) à danser, à rire, à féliciter ma grand-mère et à prendre des photos avec elle. L’ambiance qui régnait là-bas était incroyable. Nous étions un groupe de touristes venus du monde entier, qui se connaissaient depuis 2 minutes et qui s’amusaient ensemble au sommet de cet immense monument du pays du Dragon Rouge. C’est quelque chose qui n’arrive qu’une fois dans une vie.
Lorsque nous avons dû revenir à la réalité une fois redescendus, je ne pouvais pas m’empêcher de demander à d’autres de me faire part de leur ressenti sur la Muraille. Araav et Aditi, un couple indien dans la trentaine portant des tenues traditionnelles, m’ont dit : « C’était incroyable. La Muraille est très célèbre mais personne ne peut s’attendre à l’ambiance qu’il y a là-haut. » Un groupe d’Australiennes a ajouté : « Nous avons dû discuter avec une vingtaine de personnes en une heure et demie. Je n’avais jamais été dans une atmosphère si amicale. Ah, tu as dit que tu voulais visiter l’Australie ? On se voit là-bas alors ! » Oui, la bonne ambiance continuait…
Sur la Muraille, je n’ai pas vu de visage grincheux, de dispute ou de personne sur son téléphone pour accéder aux réseaux sociaux. Nous vivions tous dans l’instant présent, simplement heureux d’être là (mon esprit étant complètement absorbé par ces moments, je n’ai pris que peu de photos). J’ai vraiment eu l’impression que le temps s’était arrêté. L’impression de dominer le monde entier. Et l’ambiance créée par ces personnes venues des quatre coins du monde, ce respect mutuel et cette joie sans mesure m’ont réchauffé cœur et âme.
Voici selon moi l’une des recettes du bonheur.

Mes parents et moi-même sur la Muraille alors que nous quittions les lieux. Photo de Marion Pichardie
5 faits sur la Grande Muraille de Chine :
· La Grande Muraille de Chine est la plus longue construction humaine au monde.
· La section la plus large de la Muraille mesure environ 9 mètres.
· Les premières parties de la Muraille ont été construites il y a plus de 2 000 ans.
· Bien qu’elle soit immense, les rumeurs selon lesquelles la Grande Muraille de Chine est visible à l’œil nu depuis la lune sont fausses.
· Les sections les plus anciennes de la Muraille étaient faites de pierre, de bois et de terre compactée.